Alors évidemment, licencier une personne sur 8 pour raison économique, qui plus est une femme, de 55 ans avec 20 d’ancienneté… ça aurait dû faire tiquer la DIRECCTE qui avalise ces procédures, mais non, tout est normal dans le meilleur des mondes. Ça ne défrise personne. Ha si, cela a immédiatement fait tilt chez ma future conseillère popole emploi, à laquelle j’avais pourtant expliquer sans pathos ma raison d’être dans son bureau. Mais elle, une femme, de couleur, a tout de suite compris l’abus de licenciement.
Cela dit, sans l’avoir souhaité réellement, j’avais un peu provoqué cette situation : la réorganisation de l’agence suite à de grosses pertes sur contrat ne m’avait pas été du tout favorable (bien que ces pertes ne me soient pas imputables). Placard depuis 2 ans (« on ne vend pas du web avec des cheveux blancs »… Je ne me souviens plus de la phrase exacte, mais ça s’est traduit ainsi dans mon souvenir. Oui, je suis une quinqua et je refuse d’avoir à me colorer les cheveux pour exister socialement. Donc, je commençais sérieusement à m’ennuyer, déprimer, me déprécier, me rabougrir, m’éteindre, mourir à petit feu dans ces nouvelles fonctions que l’on m’avait attribuées. Toutes mes demandes de formation pour espérer accéder à d’autres tâches plus intéressantes étaient refusées.
Au printemps 2018, j’avais demandé un entretien avec mon patron pour lui exprimer mon malaise, mon peu d’intérêt pour les nouvelles tâches que l’on m’avait attribuées, … que s’ils n’avaient rien à me proposer et que les difficultés financières obligeaient à des licenciements économiques, je me portais volontaire, seulement merci d’attendre mon 55ème anniversaire afin que je puisse bénéficier d’un chômage de 3 ans au lieu de 2 (vu mon âge, 3 ans ne seraient pas de trop pour retrouver un emploi !). C’était là ma seule demande.
Mon « adorable » patron a sauté sur l’occasion pour se débarrasser de moi. Le 13 décembre 2018, il me convoque pour me dire qu’il va me licencier le 16 janvier lendemain de mon anniversaire « comme je le souhaitais« . Vraiment, « classieux » comme dirait Gainsbar.
Nous avions eu quelques entretiens très houleux plusieurs mois auparavant, notamment deux entretiens que s’ils avaient été enregistrés je les aurais pilés aux prud’hommes. Odieux, il avait été odieux : j’étais nulle, incapable de devenir chef de projet (ce que je faisais pourtant depuis des années…), que je ne pourrais jamais m’adapter (ha bon ? mais pourquoi ne m’avaient-il pas virée…depuis 20 ans ? ha, parce qu’ils étaient gentils… ? M’enfin !), …qu’une augmentation ça se méritait et que je n’avais donc aucun mérite à ses yeux qui justifiasse une récompense. Précision : en 20 ans j’ai dû être augmenter 3 fois… et encore sur demande, jamais spontanément. Ha, l’horrible personnage.
J’étais ressortie anéantie de cet entretien. Depuis plus d’un an je faisais des efforts de dingues pour accepter les nouvelles missions de merde qu’on me donnait, pour être agréable aux deux jeunes chefs de projets embauchés grassement (et dans des conditions étranges pour l’un, pas vraiment embauchés, un peu associé, mais pas officiellement, beaucoup en free-lance,…), qui étaient devenus mes 2 nouveaux supérieurs (ce qui m’en faisaient 4 maintenant à qui je devais rendre des comptes), que je ne pouvais rien faire sans leurs accords, accords qu’ils me donnaient quand ils en avaient le temps… En larme, j’avais pris mon manteau et mon sac, et j’étais partie marcher au hasard, les larmes n’en finissant pas de couler, hagarde… Il était 11h du matin. Je me suis réfugiée spontanément sans réfléchir dans le cimetière du Père-Lachaise qui se trouvait à 1-2 kms de là. Inconsciemment mes pas m’avaient menée là, sans doute pour y continuer à sangloter tout mon soul sans que je passe pour une fouldingue. C’est bien, les cimetières : on peut y pleurer allègrement, c’est normal. J’ai dû passer plusieurs heures là, pleurant sur un banc, puis un autre, essayant de partir mais à chaque banc rencontré je m’effondrai. J’ai fini pas sécher mes yeux devenus globuleux et rouge à force d’eaux salées trop chaudes…et par atteindre la sortie. J’ai encore marché comme un zombie, au hasard puis me suis assise à une terrasse de café. J’ai mangé un morceau (meilleur remède pour se requinquer et arrêter les idées noires… oui j’ai vraiment eu des idées noires ce jour-là et j’ai compris que l’on pouvait se supprimer pour le boulot, que les proches ne pouvaient être d’aucun secours et même qu’on pouvait imaginer leur rendre service de les débarrasser d’un boulet pareil, comme un ultime acte d’amour. Je ne pense pas que ce connard ait senti ni même imaginé les dégâts qu’il avait failli causer).
J’ai traîné puis suis rentrée chez moi, 1h30 de transport, sans rien dire, rien raconter, juste « oui, je rentre un peu plus tôt aujourd’hui ; me font chier, suis partie plus tôt ».
Je pensais ne plus jamais remettre les pieds dans cette boite, et pourtant dès le lendemain j’étais à nouveau à mon poste (brave petit soldat). Personne ne m’a jamais rien dit sur cette demi-journée d’absence. Ils n’avaient pas intérêt. Je suis allée voir une psychiatre la semaine suivante : elle m’a dit qu’il fallait partir de cette société rapidement, qu’on ne traite pas les gens de la sorte, et m’a donné un arrêt de 15 jours pour commencer par me reposer. Évidemment, je n’ai pas utilisé cet arrêt mais je l’ai gardé sur moi durant plusieurs semaines comme un joker. Il m’a permis de continuer et de trouver la force de tenir tête à ce connard de patron et lui proposer ce deal, le plus avantageux pour moi : quitter cette boite avec mes indemnités d’ancienneté et un chômage optimal.
Ce fût fait le 28 février 2019.